Écrans : enfants accros, parents à cran ! Que faire ?

Compte-rendu de la conférence
« Écrans : Enfants accros, parents à cran ! Que faire ? »
par Marie-Charlotte Clerf – 20 mai 2015

Marie-Charlotte Clerf est mère de quatre enfants, coach et formatrice parentale, praticienne Vittoz et intervenante IEDH (Institut Européen du Développement Humain)

Avant propos

Elle nous recommande quatre livres sur le sujet :

  • TV – Lobotomie de Michel Desmurget
  • Faut-il interdire les écrans aux enfants ? de Bernard Stiegler et Serge Tisseron
  • Facebook et vos enfants de Jacques Henno
  • Accros aux écrans de Michaël Larrar

Premier volet, l’état des lieu

Ce que disent les jeunes des écrans

C’est un outil de communication et une source de divertissement audiovisuel. Loin derrière, un moyen de recherche et de découverte, plutôt téléguidé par l’école. Et enfin, une plateforme commerciale.

Ce que disent les parents

La plupart sont inquiets par le risque de désocialisation du monde virtuel, ou de mauvaises rencontres, ou d’abêtissement. Ils craignent le genre de photos que l’enfant envoie sur le net, et celles qu’il peut recevoir. Pourtant, certains pensent que cet outil de connaissance est devenu indispensable.

Ce qu’en pensent les spécialistes

Les plus optimistes considèrent que la vidéo connectée est devenue le terrain vague où les jeunes s’ouvrent aux autres et découvrent des cultures et des arts différents.

Certains jeux développent l’intuition, la concentration, ou l’acuité visuelle. Et mieux vaut ainsi canaliser le jeune, que d’utiliser des médicaments.

Les plus pessimistes tirent l’alarme, face aux problèmes visuels et maux de tête, à l’insomnie, à la modification des circuits neuronaux (zone sensorielle développée au détriment des fonctions supérieures préfrontales), à la diminution de communication familiale, à la diminution de la fertilité masculine (chaleur de la batterie sur les cuisses), à l’augmentation de la violence, à la perte de points de QI.

Projection d’une illustration composée de deux séries de bonhommes dessinés par des enfants de 5 ans. Une première série montre des figurines détaillées et variées. Une deuxième série montre des patatoïdes maladroites. La première appartient à des enfants privés d’écrans, la seconde à des enfants connectés.

Les psychologues parlent d’une vision de l’amour faussée, de la notion d’intimité modifiée, de dépression cachée, de perte de la notion de chronologie.

Constatation de la réalité

Rappelons-nous qu’à l’apparition de la locomotive, les scientifiques annonçaient que jamais le cerveau humain ne pourrait résister à une vitesse de 40 km/h !

75 % des 13 ans ont un portable

80 % des 15-18 ans ont des jeux vidéo

92 % des 15-17 ans sont sur Facebook, (mais le phénomène est en train de chuter au profit de réseaux nouveaux qui mettent en communication des inconnus à qui on pose des questions pour entrer en relation : forums, ask, omegle ou snapchat-mobile).

En primaire, un élève passe 3,5 heures par jour devant les écrans, un tiers croit que l’Internet est fiable et dit la vérité, ils respectent majoritairement les règles mises par les parents, recherchent surtout des jeux distrayants.

Au collège, 6 heures par jour sur écrans, 8% croit que l’Internet dit vrai, la moitié suit encore les règles des parents, ils recherchent d’abord de la musique, des vidéos, des jeux, les réseaux sociaux et les MEL.

Un ado envoie en moyenne 3 800 SMS par mois ; au lycée ils ne croient plus en l’internet, transgressent majoritairement les règles des parents, mais craignent les mauvaises rencontres, en cas de problème consultent d’abord les amis avant de se tourner vers la mère, recherchent prioritairement de la musique, les nouveaux réseaux sociaux et quelques achats en ligne (abandon des MEL).

Un film illustre crument le danger des rencontres sur la toile : Trust de David Schwimmer.

Facebook

Il est accessible dès 13 ans. En moyenne, un ado arbore fièrement 125 « amis ». Un danger certain est l’envoi de données personnelles (lieux, patronymes, dates) même dans un pseudo trop évocateur. S’assurer de bien paramétrer le compte.

C’est une pratique sociale d’échanges, comme une cour de récréation mondiale qui fait courir tous les ragots et qui arrive à ligoter toute liberté de penser à l’ado, redoutant d’être mal jugé.

Rester vigilant sur le comportement de l’ado qui pourrait cacher une déprime dans cet échappatoire (en créant ses personnages virtuels , il aura du mal à construire sa personnalité naissante). Ce n’est pas le temps devant les écrans qui compte mais sa façon de vivre, de sortir avec des amis, d’avoir bon appétit, et ses résultats scolaires.

Jeux vidéos

Interdire fermement aux juniors, les jeux pour plus de 18 ans (présentant la violence comme normale),. Ils pourront les utiliser peut-être à l’extérieur, mais ils verront que la règle existe.

Depuis peu, les psychologues se sont aperçu que les symptômes neurologiques des drogués et des accros aux jeux vidéo, étaient similaires : la même zone du cerveau se trouve atteinte. Ce phénomène touche 5% des utilisateurs.

Deuxième volet, comment gérer la situation ?

Des conseils de base

En aucun cas, les parents ne doivent jouer les détectives. C’est un paramètre important pour construire dans la confiance et ne pas se retrouver blacklisté par son ado. Par contre, ils peuvent très bien demander à un parent qui a la confiance de l’ado, de les prévenir en cas de problème grave, mais sans en donner le contenu. Les parents seront alors alertés et attentifs.

Le maître-mot, c’est communiquer, informer et établir des règles. À commencer par soi, montrer l’exemple de savoir se détacher des écrans.

Si c’est moi qui achète ses jouets, je dois respecter strictement la législation en matière de protection des mineurs (jeu interdit au moins de 18 ans).

Si l’ado avoue passer 40 heures par semaine devant les écrans, lui faire saisir qu’il passe plus de temps que ses parents au boulot. Que te reste-t-il pour toi ? Est-ce que 30 heures ne te suffirait pas ? Parce que si les parents suppriment les écrans, par quoi vont-ils les remplacer ? Vous devez être force de proposition, quitte à y mettre le prix.

De même qu’on ne peut pas interdire à un jeune de passer le permis voiture, de même on ne peut lui interdire son compte Facebook (autorisé à 13 ans). Mais de même, cela nécessite de lui faire passer le « code-écrans », c’est-à-dire lui apprendre à s’auto-protéger, à naviguer en eau trouble (car s’il ouvre un compte chez un copain sachant que vous lui avez interdit, en cas de problème grave, il ne pourra pas vous le dire !).

Exemple, utiliser un pseudo non-marqué pour éviter de se faire repérer. Et s’il doit donner son adresse sur un site inconnu, on peut y mettre l’adresse d’un commissariat par exemple.

On n’accepte pas d’emblée comme ami, des amis d’amis ! et ne jamais accepter un rendez-vous avec un contact virtuel, mais inconnu en vrai !

La sécurité des enfants

Ce que tu mets sur l’internet, y restera à vie et pourra être utilisé contre toi. Tu n’es pas maître de ce que les autres peuvent dire sur ton profil. Si des choses qui te concernent te blessent, tu dois nous en parler pour qu’on les fasse retirer.

Ne donne jamais ton code d’accès à aucun de tes comptes. Mais inscris-le dans une enveloppe cachetée, signée à cheval sur la collure et placée dans un endroit connu de tes parents ; ainsi en cas de souci grave, ils pourront donner ton code à la police pour faciliter les recherches.

Savoir se servir du droit à l’image. Demandez à vos enfants s’ils acceptent que vous mettiez leur photo sur votre compte. Ils pourront en faire autant avec leurs amis « tu m’as pas demandé, j’suis pas d’accord, tu la retires ! ».

Avant de publier une info, est-ce que ton prof principal ou tes grands-parents seraient heureux de la lire ? sinon, ne l’écris pas !

Wikipédia, n’est pas une source sûre à 100%. Essaie de croiser l’info.

Si tu es harcelé ou menacé, tu dois venir nous en parler. Là tu auras besoin de l’aide d’un adulte qui fera arrêter la chose, sans que ce soit pire après. En cas de photos de toi compromettantes truquées, tu nieras ouvertement et tu diras que ce sont des photo-montages! ne te laisse pas intimider par ce chantage grossier.

Utiliser une surface isolante entre l’ordinateur et les genoux du garçon.

La sécurité des parents

L’ordinateur familial doit être installé dans un espace commun de la maison. Sur cet appareil n’enregistrez pas le code de votre carte bancaire (certains conseils départementaux offrent un ordinateur à l’entrée en sixième ! mais vous avez le droit de le refuser).

Éviter le smartphone pour l’ado, privilégier le téléphone à forfait bloqué, pour limiter l’internet.

Ce que vous ne lui apprenez pas, il l’apprendra par d’autres. Et si malgré vos règles d’utilisation des écrans, l’ado dérape, gardez le cap, recommencer encore et tenez bon !

Expliquez la différence entre porno et amour. Mettez en place un contrôle parental en expliquant « que je m’occupe de toi ! » et regardez l’historique de consommation périodiquement ça vaut mieux.

Intéressez-vous à leurs jeux et leurs programmes vidéo, pour comprendre pourquoi ça les captive tant. En discutant avec ma fille, elle m’a avoué que « ils font plein de bêtises que moi je ferai jamais ! ». On a ainsi pu continuer d’échanger sur la vie…

Mais si la télé devient prépondérante sur la vraie vie à un instant donné, là j’éteins la télé ! Et si vous avez la chance d’avoir des grands-parents disponibles, utilisez-lez, c’est super !

Règles de Serge Tisseron
  • avant 3 ans, = 0 écran
  • avant 6 ans = 0 console + 1h de télé par jour, pour assimiler la notion du temps, de l’espace et de la pesanteur avec les vrais jouets
  • avant 9 ans = 0 Internet
  • avant 13 ans = 0 Facebook

Demandez à votre enfant, combien d’heures par semaine tu as besoin devant les écrans. Discutez-en et établissez avec lui un quota à respecter.

Mes règles familiales en 5 « C »

1. une règle CLAIRE, exprimée en positif « une heure maximum » vaut mieux que « ne passe pas plus d’une heure »

2. une règle COHÉRENTE, si mon mobile sonne à table et que je réponds aussitôt, je ne pourrai pas leur interdire le téléphone à table

3. une règle CONSTANTE, c’est-à-dire valable un temps donné, quelles que soient ma fatigue ou mes préoccupations (un mois est nécessaire pour mettre en application une règle)

4. une règle CONNUE d’avance, on n’applique pas une règle après un fait qui s’avèrerait répréhensible

5. une règle comporte des CONSÉQUENCES, qui seront données d’avance : une félicitation si la règle a été suivie (la carotte est à éviter ça ne marche qu’un temps), ou une diminution du quota journalier suivant, s’il y a eu un dépassement aujourd’hui (rien à voir avec une punition de vengeance). Mais en cas de conduite exemplaire, lui faire la surprise d’un bonus-temps exceptionnellement.

En mettant en place un contrat avec votre ado, votre position est celle d’un coach « ensemble on va y arriver ! » et non celle d’un juge de ligne. Et pour le rappeler à l’ordre, moins vous en dîtes, mieux c’est.