Homélie de Noël 2015

Gerrit-van-Honthorst-LAdoration-des-bergers-1620
L’Adoration des Bergers – Gerrit van Hothorst, 1620.

Un enfant me disait il y a quelques jours : « Mais père Matthieu, pourquoi on se fait des cadeaux entre nous alors que c’est l’anniversaire de Jésus ? Quand c’est l’anniversaire de quelqu’un on lui fait des cadeaux, mais on ne se fait pas de cadeaux entre nous… » Je vais essayer de lui répondre…

Noël c’est quoi : en fait on peut dire que Noël c’est fêter notre humanité, tous les hommes, sans aucune exception ! C’est donc un peu de la renaissance de chacun d’entre nous, c’est donc aussi un peu notre anniversaire à chacun d’entre nous.

Pourquoi ? Parce que Jésus nous dit aujourd’hui : je sais ce que tu vis, je connais tes joies mais je connais aussi tes peines, je connais tes souffrances et tes doutes, mais malgré toutes ces difficultés, je te dis : « redresse la tête ! ». Et moi comme prêtre, qui écoute beaucoup et donc entends tout ce que vous portez comme difficultés, comme douleurs, comme conflits (particulièrement familiaux et professionnels), je me permets, à la suite de Jésus, de vous dire : frères et sœurs chrétiens, relevons la tête !

Jésus nous dit : c’est possible. Chacun d’entre nous, cherchons, de quelque manière que ce soit, à être libéré de tout ce qui nous maintient humilié au ras du sol, de ce qui nous enferme dans notre monde matérialiste qui, nous nous en rendons bien compte (soyons honnêtes, ouvrons les yeux) nous entraîne dans une morosité terrifiante. Jésus justement vient, comme l’annonçait le prophète Isaïe, nous libérer « de ce joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran… ». La vie est un désir de nous affranchir de tous ces poids qui nous empêchent de regarder vers le haut. Parce que ce qui est naturel, c’est de regarder vers le haut, pas d’avoir le regard droit devant horizontal, rivé sur un objectif totalement éphémère (le moindre obstacle, échec, … devient un mur infranchissable)

Relevez la tête nous dit le Seigneur depuis plusieurs semaines que nous sommes dans l’Avent ! Je sais que la vie est parfois difficile, mais ce soir je te dis : relève la tête. Noël c’est ça : avoir la possibilité de relever la tête, grâce à Dieu.

Pourquoi grâce à Dieu ? Car Dieu n’attend pas que nous relevions la tête par nous-mêmes, c’est quelque fois trop dur, on n’a plus la force de relever la tête… ! Quand nos familles se déchirent alors qu’elles devraient être la source même de notre vie heureuse, comment avoir la force de relever la tête ? Lorsque je suis blessé par la calomnie ou la jalousie, comment avoir la force de relever la tête ? Lorsque la violence gratuite, qu’elle soit physique dans les attentats, qu’elle soit psychologique dans les milieux professionnels, qu’elle soit verbale dans notre quotidien, m’assaille, comment avoir la force de relever la tête ?… Il nous la relève Lui-même, c’est Jésus en nous qui la relève pour nous !

Pourquoi je me permets ce soir de vous dire avec force, frères et sœurs chrétiens, relevez la tête, c’est parce que ce soir nous fêtons Dieu qui vient nous rejoindre, nous fêtons Dieu qui vient au milieu de nous, en nous ! C’est la spécificité de notre foi chrétienne, ce Dieu qui ne nous laisse pas aller le chercher tout seul, comme dans toutes les religions, mais Il vient à nous, en se rendant accessible, comme nous nous rendons accessibles les uns aux autres : il prend notre corps. En plus on pourrait se dire qu’il prend un corps parfait, fort, invincible (comme celui que notre société tente de nous faire atteindre… peine perdue puisque ce corps parfait n’existe pas…), non un corps on ne peut plus fragile et frêle, celui d’un nourrisson, qui en plus mourra sur une croix.

Noël c’est fêter un Dieu qui vient les mains vides, totalement désarmé et donc désarmant : l’évangile nous parle de cette bonne nouvelle qu’est le Sauveur qui vient, pour juste après nous dire que ce Sauveur est un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Nous en sommes désarmés (comment peut-il être le Sauveur ?). Mais c’est la question que le monde se pose aujourd’hui : comment peut-on sauver le monde ? On voit bien que face à la violence, aucune arme ni aucune guerre ne résout les problèmes. Mais cette arme on l’a nous les chrétiens, c’est Jésus ! Mais on ne le dit pas ! L’autre jour un jeune prof dans une école nous dit : mais on ne vous entend pas vous les chrétiens. Un musulman aussi sur un chantier à un conducteur des travaux : vous êtes chrétien ? Oui. Mais on ne vous entend pas ! Frères et sœurs, est-ce que nous croyons réellement que Jésus est notre Sauveur ? Est-ce que nous croyons réellement que Jésus, les mains vides est le seul qui puisse sauver le monde par sa paix et sa joie ? Qu’il est cette vérité qui peut transformer notre vie, même si elle est malheureuse aujourd’hui ? Est-ce que donc je le laisse m’aider en lui laissant une place dans mon cœur par un petit moment de prière quotidienne, est-ce que je mets l’amour pour ma famille au centre de ma vie… ?

Noël c’est Dieu qui vient nous aimer avec ses entrailles de Père et de Mère ; il nous donne tout, comme un père aimerait pouvoir tout donner à son enfant, comme une mère vit dans ses entrailles ce que vit son enfant. Dieu ne reste pas insensible à ce que nous vivons puisqu’il le vit en nous, comme un père et une mère vivent en eux ce que vivent leur enfant. Ce sont les entrailles d’un Dieu d’amour qui vivent en tous les êtres humains, même en ceux que nous ne comprenons pas, même de nos ennemis, de ceux que nous n’arrivons pas à pardonner ; Dieu est aussi avec lui ou elle comme il est avec moi, il leur donne aussi sa maternité et sa paternité, en donnant Jésus.

C’est pour cela que Noël est l’anniversaire de tous les hommes, car en Jésus, nous fêtons ce soir celui qui nous rassemble au-delà de toutes divisions et de toute haine : c’est la beauté, la merveille de l’humanité ! Partagée par tous les êtres humains sans aucune exception, que nous célébrons ce soir.

J’espère avoir expliqué pourquoi nous nous faisons des cadeaux les uns les autres le soir de Noël : nous sommes les uns pour les autres des cadeaux car en chaque être humain, Jésus est présent. Noël c’est fêter cette présence de Jésus en tout être. À nous de jouer nous les chrétiens : nous avons ce trésor immense qui seul peut sauver le monde.

Père Matthieu Berger +

Homélie de Noël à Triel-sur-Seine (messes de 18h et de 22h30)
Isaïe 9, 1-6 ; Psaume 95(96) ; Tite 2,11-14 ; Luc 2, 1-14