Saint Francois vient à Triel
Retraite animée par le Frère Eric Bidot, provincial des Capucins en France – dimanche 22 janvier 2017
Allocution du matin
Dans l’histoire de l’Eglise, Saint François a une place un peu unique à l’aube du XIIIè s. (1182-1226) en plein bouleversement économique, avec l’avènement des cités rivales.
Le frère Eric nous dépeint la hiérarchie sociale de l’époque, où le bourgeois avait pour but de devenir noble. Si François s’appelle ainsi, c’est à cause de son père qui était admirateur de la France, ambassadrice de « l’amour courtois« . Ce marchand d’étoffe, se réjouissait de voir son fils plein de talents, généreux, meneur d’hommes, intuitif, passionné, monter dans la société.
Mais lors d’un affrontement avec une ville adverse, François vers 20 ans fut prisonnier durant une année. Ce fut le déclenchement de son changement d’orientation. A partir de son retour à Assise une dimension d’intériorité s’installe dans sa vie. Il se retire souvent dans la solitude pour livrer un combat très dur dont il sortait épuisé entre austérité et joie, et où il choisit d’épouser « Dame Pauvreté« .
De là, nait une rivalité avec son père. C’est la naissance de sa vocation devant le crucifix de Saint Damien. Il commence par attirer à lui une douzaine de frères et en 10 ans, ils étaient passés à 5000. François a vu la nécessité d’institutionnaliser l’ordre : « Nous voulons vivre au présent et être sensibles à tout ce que Dieu nous donne« .
Le poète italien a parlé de François, comme « l’homme du paradis nouveau ». Le rapport de François avec la nature et les animaux a un sens biblique et théologique profond. Son attitude c’était le contraire de la possession, de l’agression, de la mainmise. Les animaux le sentaient. Cette dimension horizontale de François avec le créé, est pour cet après-midi.
Voyons la dimension verticale. François n’est pas théologien. C’est la présence de Dieu en lui qui le met naturellement en communion tantôt avec le Père, le Fils ou le Saint Esprit. Il a perçu que notre foi est trinitaire, prise dans le mouvement divin. En embrassant le lépreux, François disait » Je suis passé de l’amertume à la douceur« , traduisons du ressassement matérialiste à la profondeur de la vie.
Toute prière se développe en trois temps : la louange, la demande de pardon, puis la demande elle-même. Si on inverse le mouvement, on réagit comme un enfant gâté. François admire et aime la nature parce qu’elle est la Création, l’Œuvre de Dieu. Pour lui, Dieu est joie, beauté et douceur, mais à condition d’accepter le dépouillement. Il a horreur de celui qui fait semblant.
Frère Eric nous présente pour finir, l’histoire de la relique de la cape de François, exposée à notre dévotion cet après-midi.
Fichier MP3 : Saint François à Triel – matinée
Allocution de l’après midi
Dans François, il y a comme un débordement du cœur, comme si le cœur était trop petit pour parler et accueillir la présence de Dieu.
Frère Eric fait le parallèle entre St Antoine et St François. Le premier est un intellectuel qui est rentré chez les Franciscains. « Il me plait que tu enseignes la théologie, lui précise François, pourvu que tu n’éteignes pas l’esprit d’oraison », cad, que tu restes dans le tiers ordre et que de ton savoir tu fasses un service. Il est curieux que c’est Antoine qui a récolté la grande dévotion populaire, alors que François à la sainteté rayonnante ne récolte jamais autant de cierges ! Pourtant François est un saint pour notre temps de crise. Ce n’est pas un hasard si le pape a choisi son nom.
Sainte Claire a 10 ans de moins que François. Elle est issue de la noblesse mais le rejoint dans la radicalité de l’engagement. Elle dira à la fin de sa vie de pauvreté et de service : « Béni sois-tu Seigneur de m’avoir créée !« , alors qu’elle était gravement grabataire.
C’est le même thème que l’on retrouve dans le cantique de frère Soleil -cantique de la Création- écrit par François sur ses derniers jours à Saint Damien, dans un état de décrépitude physique dû à ses privations, à ses stigmates et ses plaies ophtalmiques. A ce moment-là jaillit la louange. Le cantique de frère Soleil se termine par : « Loué sois-tu mon Seigneur pour notre sœur la mort corporelle... » (ndr : lire à ce sujet « Sagesse d’un pauvre » de Eloi Leclerc). Frère Eric nous commente ensuite le cantique :
François n’adore pas Dieu dans le soleil, mais le soleil lui parle de Dieu. Un cœur pur est comme « sœur eau » limpide, humble, vive et chaste que l’on ne peut retenir. L’originalité de François est de comprendre que nous sommes débiteurs de notre « mère la Terre » qui nous donne tout. Par ce chemin de désappropriation, François est capable de parler de la mort comme une sœur, cad quelqu’un qui nous veut du bien. La mort est le moment de la Rencontre dans la pauvreté radicale. Pour François, le péché c’est l’appropriation, garder, accaparer, empêcher le « mouvement de recevoir pour donner« . Dans tous les domaines, ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous divise.
Au début de sa vocation, François demande à ses frères : « faut-il choisir l’ermitage ou aller prêcher ?« . Faire comme Jésus sur les chemins, lui conseille-t-on. Alors il part et quand il rencontre les oiseaux piaillant à tue-tête dans les saules, cela l’incite à louer le Seigneur comme eux. Mais ils étaient si bruyants que François les admonesta : » Mes frères les oiseaux, veuillez cesser vos chants…« . Ce fait est significatif de l’autorité de l’Homme sur la Création. Il ne s’agit pas de se faire manger par elle, mais de rester le maître en lui laissant sa vie propre.