Vœux du curé

voeux-2016

Chers paroissiens,

J’ai tellement de vœux à vous présenter et de belles choses à vous souhaiter… C’est difficile de choisir. Mais en tout cas, je ne sais pas si c’est la santé que je vous souhaite avant tout, je n’en suis pas sûr…

Ou bien si, mais spirituelle ! Il est évident que je nous souhaite à tous une bonne santé du corps, et je ne désire pour personne de ne pas l’avoir. Mais est-elle la condition première d’une bonne année ?

Comme chrétiens que nous sommes, renseignons-nous auprès de Jésus. Combien de fois Jésus nous parle-t-il de la santé. Pas beaucoup… Au moins une fois, c’est vrai, lorsqu’il nous rappelle, devant le regard scandalisé des pharisiens à son entrée chez Lévi, que « Ce ne sont pas ceux qui sont en bonne santé qui ont besoin de médecin, mais ceux qui vont mal » (Luc 5,31). À première vue, Lévi était en bonne santé physique, rien ne nous laisse croire qu’il ait pu être malade. La maladie dont parle Jésus est bien celle du cœur, de l’âme. Il ne nous souhaite jamais explicitement une bonne santé, mais il nous invite en tout cas, à ne pas en faire le point focal de notre vie ; par contre, à recevoir notre corps à tous les âges : « En vérité, en vérité je te le dis : quand tu étais plus jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais où tu voulais ; mais quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te mettra ta ceinture et te mènera où tu ne voudrais pas » nous dit Jésus en saint Jean (21,18) dans ses dernières paroles.

Ne nous trompons pas de santé. C’est une santé spirituelle que je vous souhaite. A force de nous souhaiter une bonne santé physique, nous pouvons en oublier le sens profond de notre vie et de notre foi. Nous pouvons aussi, et c’est un soucis de nos jours, en arriver à la conclusion que si le corps n’est pas au meilleur de sa forme, la vie n’a plus de sens. Nous pourrions participer, bien malgré nous, à cette recherche du corps parfait, fantasme qui ne peut mener qu’au désespoir puisqu’il n’existe pas ! La santé du corps n’a jamais été pour Jésus une fin en soi : lorsqu’il guérit le corps c’est pour mieux nous signifier la puissance de sa miséricorde en vue de la guérison de notre âme.

En nous libérant de maux terrestres comme la faim, l’injustice, la maladie, Jésus pose des actes messianiques qui attestent qu’il est venu nous libérer de l’esclavage le plus grave qui soit, celui du péché. La santé du corps est un moyen pour lui de nous témoigner de la toute puissance de Dieu, mais elle n’est pas une fin en soi. Un corps malade et souffrant peut aimer et être aimé, un corps malade et souffrant peut être une manifestation de la présence de Dieu dans nos familles, dans nos institutions. Aimons notre vie même si le corps ne répond pas à l’exigence que nous avons pu lui fixer, et conservons cette dignité humaine qui ne dépend en rien de l’intégrité de notre « chair » mais de l’intégrité de notre cœur.

En nous disant qu’il est venu pour les malades, Jésus nous fait prendre conscience que, par nos imperfections, qu’elles soient physiques, spirituelles ou psychologiques, il peut nous faire cheminer. Et oui, l’homme est un homme blessé. Ne rêvons pas que l’humanité puisse être sans souffrance, ne rêvons pas que je puisse être sans souffrance. Le Seigneur ne nous a jamais demandé d’évacuer nos blessures, mais de les traverser ; les traverser non pas tout seul, mais avec le Christ.

En nous souhaitant « surtout la santé », nous prenons le risque de faire croire aux jeunes générations que celle-ci est la condition première d’une vie bonne et que son absence rend inutile notre présence sur cette terre. L’homme peut connaître la santé spirituelle, et donc le bonheur, même lorsque son psychisme et son corps sont malades. Ne faisons pas de notre corps une idole qui asservit notre psychisme et notre spiritualité.

Le but ultime de notre vie, comme de nos préoccupations quotidiennes, ne doit pas être de ne plus ressentir notre corps ou de chercher à s’en libérer, à s’en détacher. La finalité de notre existence est le salut : être sauvé, c’est vivre en enfant de Dieu et en communion avec Dieu et avec les autres. Nous pouvons vivre cette réalité indépendamment de notre bien-être matériel ou corporel. Toute blessure peut même devenir un lieu de fécondité spirituelle, si toutefois elle est mise en lumière, reconnue et acceptée. Le Christ lui-même nous en montre le chemin : il est d’abord blessé par le rejet qu’il subit, pour ensuite mourir sur la croix qui devient l’instrument de sa fécondité pour nous.  

Je désire donc vous souhaiter une belle santé spirituelle et toute la fécondité qui en découlera. Et comme pasteur, vous souhaiter celle-ci, c’est également m’engager à vous donner les moyens d’y parvenir, sinon ce ne seraient que des vœux « pieux » !

Souhaiter quelque chose à quelqu’un n’est-ce pas aussi un peu s’engager à ce que cette chose se réalise ? Souhaiter le bonheur à quelqu’un n’est-ce pas s’engager à l’aider à être heureux ? Souhaiter à mon enfant de bons résultats scolaires ou universitaires, n’est-ce pas tout faire pour lui donner les moyens d’y parvenir ? Souhaiter un peu de paix à une personne malheureuse, n’est-ce pas se rendre disponible à être pour elle une source de paix ? Nous sommes attendus au tournant par nos contemporains : « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21).

De la même manière que pour Dieu, dire c’est réaliser (« le Verbe s’est fait chair » a-t-on entendu le jour de Noël dans le prologue de l’Évangile de saint Jean), pour un chrétien, il me semble que « souhaiter », c’est s’engager à agir. Désirons que nos vœux ne soient pas qu’une simple convenance formelle, à laquelle nous ne pouvons pas échapper, mais qu’ils soient réellement une parole qui vienne du cœur, c’est-à-dire une parole qui m’implique. Souhaiter c’est déjà se donner, comme le Christ se donne lorsqu’il nous parle : « ceci est mon corps livré pour vous », « ceci est mon sang livré pour vous ».

Notre saint Père nous propose particulièrement cette année de devenir ce que nous souhaitons dans nos vœux : nous allons devenir les uns pour les autres sources de santé, de bonheur, de joie, de paix, par la miséricorde divine.

Je rends grâce aujourd’hui pour notre belle communauté paroissiale, qui s’est construite peu à peu, autour de Celui qui nous rassemble, dans laquelle il fait bon vivre (c’est ce que beaucoup de gens disent de notre paroisse, et nous pouvons nous en réjouir, bravo à vous !). Nous vivons aujourd’hui une belle vie communautaire, nous pouvons maintenant nous atteler à vivre une belle vie fraternelle. Notre saint Père nous en donne l’occasion par l’ouverture de l’année jubilaire de la miséricorde.

La Miséricorde dans la Bible, c’est l’action ; le pape François nous a invité à plusieurs reprises, à l’occasion de l’ouverture de cette année jubilaire, à vivre la miséricorde non pas par des mots, mais par des actes !

En vous disant « Bonne année », je loue déjà ce qui est bon dans nos cœurs, et ce qui sera toujours bon l’année prochaine, quelques soient les difficultés, car la bonté est toujours plus généreuse que le mal qui peut nous assaillir : Jésus a vaincu une fois pour toute ce qui nous détruit : « tu as tout soumis sous ses pieds » (Hb 2, 8).

Je nous souhaite de nous lancer pleinement dans cette année de la miséricorde car elle est l’expression par excellence de la toute puissance d’amour de Dieu, nous dit le pape François. Passons à l’action afin de redécouvrir tout l’amour dont Dieu nous aime chacun personnellement, pour devenir une communauté fraternelle de laquelle jaillissent l’espérance et la paix dont notre monde a bien besoin.

Je nous souhaite d’oublier nos peurs et nos a priori pour oser la rencontre, d’oublier nos rancœurs et nos jalousies pour nous retrouver dans la miséricorde, de n’ouvrir la bouche que pour louer, et non médire, afin de faire grandir la fraternité,…

Alors seulement nous pourrons nous souhaiter une sainte et heureuse année… et la santé surtout !

Père Matthieu Berger +
curé de la paroisse