La formation biblique : deuxième et troisième séances

une-bible-rayonUne vingtaine de personnes se sont retrouvées autour de la table, pour écouter Isabelle Dugast et Marie-Fançoise Des­saigne, toutes deux diplômées du certificat d’étude biblique de l’Institut Catholique de Paris.

Isabelle rappela que la Bible est une bibliothèque de plusieurs ouvrages de culture différente de la nôtre et écrits dans des styles variés. C’est un livre à succès traduit en plus de cinq cents langues. Marie-Françoise a noté les questions motivant la présence de chacun de nous à ce cours, en remplissant trois feuilles de tableau-papier. Elles s’efforceront d’y répondre au cours des séances.

Pour permettre de se diriger dans cette bibliothèque, nous avons étudié :

  • La numérotation en chapitres et versets, et le codage d’un passage : comment lire une référence ;
  • L’histoire de la mise par écrit de la Bible : la Bible hébraïque (en hébreu et parfois araméen), la traduction grecque des septante du IIIe siècle (augmentée de certains livres), le canon juif du Ier siècle (choix définitif entre plusieurs versions), la Bible de Luther basée sur la Bible hébraïque. La vulgate de saint Jérôme sera vue plus tard ;
  • La comparaison entre la TOB (Traduction Œcuménique de la Bible) et la Bible catholique. On retrouve les mêmes livres mais l’ordre est différent : la catholique privilégie l’ordre chronologique des livres historiques qui annonce la venue de Jésus, la TOB privilégie les commentaires des prophètes qui suivent la Torah (ou Pentateuque),

L’importance des événements racontés dans la Bible est la signification d’un Dieu qui se choisit un peuple-témoin et la réponse d’un homme qui a tout quitté pour suivre la parole de Dieu. L’histoire du peuple juif est mouvementée au carrefour des grandes civilisations égyptienne, assyrienne, babylonienne, perse, grecque, romaine. Elle est aussi blessée par la scission qui a suivie le règne de Salomon, entre le royaume du nord (Samarie) et du sud (Jérusalem). Elle a subi un exil deux révoltes et deux destructions.

Résumé de la deuxième rencontre

a. – Résumons les faits

Quatre grandes dates à retenir : –1000 David roi de tout Israël ; –722 destruction du royaume du nord (Israël en Samarie) par les Assyriens ; –587 destruction du royaume de Jérusalem (Juda) par les Babyloniens ; –538 retour d’exil.

Le mot « bible » vient du grec  βιϐλία (ta biblia) signifiant « les livres ». Le terme testament = alliance = diathêkê, revient souvent dans la Bible. Il y a eu une première alliance de Dieu avec son peuple, puis une nouvelle qui vient la compléter.

La Bible nous plonge dans la culture orientale ancienne : ils ne font pas de démonstration, ils racontent des histoires.

b. – L’histoire du livre

La Bible n’est pas un grimoire. Mettre bout à bout des passages de la Bible hors de leurs contextes, peut s’avérer dangereux. On pourrait trahir son message.

La Bible n’est pas un livre historique. Nous n’avons aucune trace historique des patriarches. Ce sont des récits signifiants qui nous donnent le témoignage de foi d’Israël. Parmi la Création, Dieu a choisi son Peuple par l’intermédiaire d’Abraham qui lui a fait confiance. On peut se retrouver dans le personnage d’Abraham, si on accepte de se laisser guider par Dieu.

La Bible n’est pas un ouvrage scientifique. La création en sept jours symbolise notre semaine du calendrier. On y trouve un Dieu qui crée dans la douceur par la parole, toute chose et tout vivant. Le soleil est une simple créature, ce n’est pas un dieu comme chez les Égyptiens. Quant aux roches salées de forme humaine au sud de la mer Morte, le récit sacré nous parle du déluge de feu qui détruisit Sodome.

La Bible est un livre inspiré (tandis que le Coran est un livre révélé). La constitution de Vatican II « Dei verbum, §11 » nous dit que c’est une parole de Dieu, au travers d’une histoire racontée par les hommes.

L’évènement fondateur de la naissance du « peuple choisi » est sans conteste l’Exode qui montre un Dieu puissant sauveur et libérateur. Ce n’est que pendant leur exil à Babylone, que les Israélites vont voir la nécessité de mettre par écrit leurs traditions. Ils avaient perdu leur terre → apparition de la circoncision ; ils avaient perdu leur temple → apparition du shabbat ; ils avaient perdu leur roi → ils se centrent sur Dieu. On distingue deux courants de rédaction : ceux de la tradition deutéronomique (issue du royaume du nord, insistant sur la fidélité à l’Alliance) et ceux de la tradition sacerdotale (issue des prêtres de Jérusalem, où le culte est primordial).

Après le retour d’exil sous la domination des Grecs, dans les livres des Maccabées, de Daniel et de la Sagesse, deux mouvements se dessinent : la foi en la résurrection des morts (c’est le Dieu des vivants) et la vision apocalyptique (attente des temps nouveaux).

c. – L’histoire de l’écriture

Les rédacteurs de la Bible baignaient dans les cultures des puissances environnantes. Ils ont certes puisé dans leurs légendes, mais ils ont fait une œuvre originale, profondément marquée par son sens messianique.

La plupart des écrits sont en hébreu. L’hébreu ancien a vingt-deux consonnes. Il se lit de droite à gauche. Les massorètes du moyen-âge (transmetteurs oraux) ont mis des signes de vocalisation sur les mots. La conjugaison avait deux formes d’action l’« inaccompli » au sens du futur et le « déjà accompli » au sens du passé.

Le tétragramme YHWH (יהוה) est vocalisé « Adonaï » par les Juifs. La transcription « Yahvé » vient du grec tardif (« Jéhovah » par la secte).

D’autres langues ont été utilisées, comme l’araméen (hébreu simplifié) ou le grec (notamment dans le Nouveau Testament). Les manuscrits de la mer Morte, enfouis un siècle avant Jésus, prouvent la continuité du message biblique par l’identité de son contenu avec les écrits antérieurs ou postérieurs : la septante grecque (du –3e s. au –1er s.), la vulgate latine (début Ve s. puis imprimée par Gutenberg), les targoums araméens (entre -100 et +70) ou les versions syriaques.

Comme le rapporte la constitution « Dei verbum §12 », il faut tenir compte des nombreux genres littéraires rencontrés dans les livres de la bible pour saisir la Parole. Par exemple : le légendaire (histoire de Samson), l’épique (sortie d’Égypte), le législatif (précision sur les sacrifices – Dt 12), le liturgique (rituel de la Pâque), les oracles (« ainsi parle le Seigneur… »), les écrits de sagesse (Proverbes 3).

d. – Étude de textes

Nous avions chacun, imprimé trois textes proposés par l’animatrice : un passage d’Exode 13, un oracle d’Isaïe 43 et un passage du Psaume 136. Nous avons relevé les similitudes et les spécificités entre les trois. Nous avons vu qu’ils parlaient tous du passage de la mer Rouge, chacun dans son genre littéraire.

La conclusion à en tirer est le « chemin » établi par Dieu pour conduire l’Homme, c’est-à-dire nous. Le but n’est pas tant de tuer l’Égyptien, mais de sauver Israël. Célébrer la Pâque, c’est affirmer sa libération.

e. – Conclusion

Le mot de la fin est donné par Paul (1 Corinthiens 10, 2) : « […] et tous furent baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer. », préfigurant notre prochaine séance sur le Nouveau Testament.

Résumé de la troi­sième séance

Début de cette troi­sième soirée avec un zoom arrière sur les Hébreux en Pales­tine : si l’élé­ment fonda­teur du peuple hébreu est l’Exode (passage de la mer Rouge), l’Exil à Baby­lone est leur grand trau­ma­tisme histo­rique. Certains hébreux ont même pris souche en Méso­po­ta­mie (Irak). Quant aux rapa­triés de l’époque sous régime perse (édit de Cyrus –550), ils ont subi ensuite de nombreuses inva­sions au long des siècles en Israël : Alexandre-le-Grand (–333), Antio­chus de Syrie (–164), destruc­tion du Temple par les Romains en +70, destruc­tion de Jéru­sa­lem par Hadrien en +135, conquête arabe en +630,… arri­vée des croi­sades, empire otto­man…

a. – Struc­ture du Nouveau Testament (NT)

  • Évan­giles synop­tiques : Matthieu, Marc et Luc,
  • Évan­gile de Jean,
  • Actes des apôtres (suite de Luc),
  • Épîtres de Paul : Romains (à vision théo­lo­gique), Corin­thiens 1 & 2, Galates, Thes­sa­lo­ni­ciens 1 & 2, Philip­piens, Philé­mon,
  • Épîtres attri­buées à Paul : Éphé­siens, Colos­siens, Timo­thée 1 & 2, Tite, Hébreux (à vision théo­lo­gique),
  • Épîtres catho­liques (à l’Église entière) : Jacques, Pierre 1 & 2, Jean 1, 2 & 3, Jude,
  • Apoca­lypse

b. –  Comment s’est formé le Nouveau Testament ?

Tout est parti du 7 avril 30, à l’heure où l’on égor­geait les agneaux pascals, ce Vendredi veille de la Pâque juive ! Après la décep­tion totale des apôtres qui avaient mis leur confiance en Lui, l’an­nonce au monde a d’abord été orale à la Pente­côte. « Jésus est vivant, nous en sommes témoins ! » disaient-ils. Les premières commu­nau­tés chré­tiennes se forment en ecclé­sias, parmi les Juifs puis les païens. Et tandis que les païens deve­naient majo­ri­taires, Paul s’est senti appelé à aller vers eux. C’est en 50 que Paul à Corinthe, commence à mettre par écrit la « Bonne Nouvelle », la procla­ma­tion, le kérygme (qui a donné le héraut en français).

Corin­ti­hiens 15,1–8 : « Je vous rappelle, frères, l’Évan­gile que je vous ai annon­cé… ». Cette première géné­ra­tion de chré­tiens pensait le retour du Christ proche, ils ne voyaient pas la néces­sité d’écrire les faits rela­tant la vie de Jésus, qui circu­laient orale­ment parmi les commu­nau­tés. Ils ont gardé fidè­le­ment les lettres à leurs adresses, que nous connais­sons comme « épîtres ». Ce sont les premiers en date, des textes du Nouveau Testament : les huit épîtres de Paul de 50 à 60. Ses disciples les ont ensuite complé­tées et actua­li­sées de 80 à 90, d’où parfois certains anachro­nismes.

À cette époque où l’on célé­brait la « frac­tion du pain » parmi les commu­nau­tés, des textes litur­giques étaient en pratique. À partir de 65, une commu­nauté écrit l’évan­gile dit de Marc. Puis d’autres se servent de cette première version pour écrire celles de Luc et Matthieu. Ce sont les trois synop­tiques. Sans doute la « Passion » a été écrite en premier. Luc et Matthieu ajoutent les paroles de Jésus, chacun avec les sources qui circu­laient chez eux. En l’an 95, la commu­nauté d’Éphèse écrit l’évan­gile de Jean.

c. – La genèse du canon des évan­giles

Les textes du Nouveau Testament sont issus de l’usage qui en était fait par les ecclé­sias. Ils ont été rete­nus par le concile de Trente. Aucun évan­gile n’était signé. Avant Vati­can II, la litur­gie domi­ni­cale ne connais­sait que cinquante-deux textes surtout tirés de Matthieu.

L’évan­gile de Marc semble avoir été écrit à Rome sous Néron, par un certain Jean, appelé Marc (Actes 12, 12) dans un grec simpli­fié, pour des lecteurs qui ignorent les coutumes juives. On le surnomme « évan­gile de la Croix ».

L’évan­gile de Matthieu s’adresse aux Juifs conver­tis au chris­tia­nisme, qui ont besoin de se situer par rapport au judaïsme. Il parle deux fois de la vie de l’Eglise nais­sante.

L’évan­gile de Luc est facile à lire, car il se rapproche de notre culture clas­sique. Luc, méde­cin et compa­gnon de Paul, écrit dans un grec talen­tueux. Il s’adresse à des croyants déjà caté­chi­sés. Son évan­gile est surnommé « de la misé­ri­corde », car on y trouve le « bon sama­ri­tain » et le « fils prodigue ». L’épi­sode de la « femme adul­tère » se trouve dans Jean, mais le style rappelle celui de Luc. Certains livres anciens le plaçaient d’ailleurs chez Luc. Ce qui prouve que les sources circu­laient libre­ment parmi les commu­nau­tés avant d’être écrites.

L’évan­gile de Jean se distingue des synop­tiques, par trois traits : d’une part en rela­tant plusieurs voyages de Jésus montant à Jéru­sa­lem ; ce qui est probable pour un Juif pratiquant d’al­ler au Temple à chaque grande fête, d’autre part en appor­tant des discours de Jésus (mais pas les para­boles) et enfin en rela­tant le lave­ment des pieds. Mais son auteur reste encore incer­tain : était-ce « celui que Jésus aimait », ou l’un des fils de Zébé­dée,…

L’apo­ca­lypse, ou révé­la­tion, est un genre litté­raire apparu aux temps des persé­cu­tions. Son auteur est le prophète de Patmos à l’époque de Domi­tien, mais le doute reste sur son iden­tité. Est-ce le même que celui de l’évan­gile ? Le mal se déchaîne sous la nouvelle Baby­lone (Rome), mais au final Jésus a vaincu le mal. L’Agneau est vainqueur.

d. – Exer­cices de décryp­tage

Les évan­giles doivent être lus à la lumière de la résur­rec­tion, car ils ont été écrits après elle. Ce serait une erreur de lire les évan­giles comme des textes écrits avant la mort et la résur­rec­tion de Jésus. La séance s’est termi­née par deux travaux pratiques de recon­nais­sance de genre litté­raire et de style :

  • Souli­gner les mots communs utili­sés dans deux récits d’an­nonce : l’an­nonce aux bergers (Luc 2, 8–13) et les femmes au tombeau (Matthieu 28, 2–8),
  • Trou­ver l’au­teur de cinq passages d’évan­gile : si on expli­cite des rites juifs, c’est sans doute Marc, si on trouve « royaume des cieux » c’est plutôt Matthieu (un Juif ne prononce pas le nom de Dieu), si les paroles de Jésus sont rappor­tées, c’est Luc ou Matthieu, en présence d’une para­bole, penser Marc, Luc ou Matthieu et en cas de longues paroles de Jésus, on est chez Jean.