Porno-dépendance : la nouvelle drogue

En quelques années, la situation a changé. Avant, il fallait faire un effort pour les voir : se déplacer, se cacher, et payer. Aujourd’hui, il faut faire un effort pour regarder ailleurs. De quoi s’agit-il ? Des images pornographiques. À cause d’Internet et du haut-débit, elles sont partout et nous envahissent, du « porno chic » au film hard. Tout est à portée d’un simple clic de souris ou sur un smartphone et, fait nouveau, de façon anonyme et gratuite.

Sur le web, un tiers des connexions sont à caractère pornographique. Les ravages sont immenses et beaucoup de chrétiens se sont très vite enchaînés eux-mêmes, devenus dépendants d’images dont ils n’arrivent plus à se libérer. Au confessionnal, on nous raconte des scénarios continuels où la volonté a abdiqué.

Loin du réel

Regardons d’abord la vérité en face. Nous sommes très faibles et l’image exerce sur nous un attrait incroyable. Le seul courage – nous l’oublions trop souvent – c’est la fuite. Car il est terriblement facile d’aller voir, « juste une fois ». Alors, l’image arrive et s’imprime en nous. Elle y restera longtemps, troublant durablement notre regard sur l’autre en l’érotisant injustement. Puis les gestes suivent. Et c’est l’engrenage images et gestes, porno et masturbation.

La pornographie, c’est quitter le réel. Je me construis un monde de fantasmes dans lequel je suis le héros, où tout me sourit, où tout tourne autour de moi. Cet égocentrisme n’est pas une voie de bonheur. Un précieux remède pour le combattre est d’avoir un lieu où l’on se donne gratuitement, si possible incarné et où l’on rencontre physiquement des gens (visite à des malades, hôpitaux, prison, aumônerie, etc.). On y puise une énergie incroyable ! Ce don gratuit et généreux est un allié précieux qui nous rappelle qu’au soir de cette vie, nous serons jugés sur l’amour, malgré ou au-delà de nos faiblesses connues de Dieu. Mais il reste qu’accomplir des efforts particuliers pour aimer est le meilleur moyen pour retrouver la confiance et sortir de son égoïsme, se découvrir serviteur et non dominateur. On parvient ainsi à briser la fausse logique du porno (« moi, toujours moi« ). On se replace ainsi en vérité, à notre juste place vis-à-vis de Dieu – lui seul est tout puissant et nous sommes dépendants de lui – mais aussi vis-à-vis des autres : ils ne sont pas des instruments ou des objets, mais des personnes.

Du plaisir à la souffrance

Très vite, le plaisir peut hélas se transformer en souffrance secrète et lourde à porter. On est désormais prisonnier d’un écran d’ordinateur ou de téléphone, d’un clavier et d’une souris. Les conséquences sont nombreuses : isolement, dévalorisation de soi-même, problèmes de couple, création d’une image génitale de la sexualité… Pour les chrétiens, ces symptômes se doublent d’une tiédeur générale, d’une désespérance de l’amour de Dieu et d’une prise de distance avec la communion et la confession, alors que ces deux sacrements pourraient tout particulièrement nous aider.

Ce qu’on sait moins, c’est que le porno est une drogue dure. Dans le cerveau de celui qui en consomme, il provoque en tout cas des effets similaires. C’est une longue enquête du journal Le Point qui l’a révélé il y a plus d’un an [l’article n’est plus en ligne mais il peut se lire ici]. Aidé de neuropsychiatres, de sexologues et de psychothérapeutes, un journaliste relevait que l’hormone du plaisir, la dopamine, est la cause de l’addiction. L’excitation sexuelle sécrète cette hormone et rend complètement dépendant. À ce stade, lutter seulement par la prière et les sacrements n’est pas suffisant car ce n’est plus un combat uniquement spirituel. Une maladie, une véritable addiction, s’est en effet installée. La bonne nouvelle c’est que notre responsabilité est amoindrie. La mauvaise c’est qu’il devient nécessaire de mettre en place un seul et unique remède : le sevrage.

Un sex-shop chez soi

Il faut le dire, la naïveté des adultes sur ce sujet est déconcertante : aucun filtre sur l’ordinateur familial (« tout va très bien chez nous, mon Père !« … Ils prennent ma place au confessionnal et on en reparle après ?), wifi en accès libre dans toute la maison, smartphone dès le collège. Je pleure en écoutant cette maman me dire : « vous savez, lorsque nous sortons, mon mari et moi, nous emportons le câble de l’ordinateur ! ». Elle a dû oublier que le câble en question doit coûter dix euros à la FNAC du coin et que son fils en a certainement déjà plusieurs dans sa chambre. Cela me fait penser à mes parents qui emportaient la télécommande lorsqu’ils partaient, pour nous empêcher de regarder la télé.

Un autre prêtre me confiait dernièrement cette discussion avec un jeune de 14 ans. « Et tes parents, il ne se doutent pas que tu regardes ces films ? » Réponse : « Ben non, j’ai partitionné le disque dur… ». Hé oui, nos jeunes sont très vite devenus des petits génies en informatique. Et effacer un historique est aussi un jeu d’enfant.

Un ordinateur sans aucun filtre, c’est un « sex shop » ouvert en permanence sous son propre toit. Il y a donc une première étape non négociable dans toutes les maisons : mettre en place des moyens techniques pour bloquer tous les accès à l’égout pornographique. Dans un premier temps, installer le logiciel « K9 web protection » sur les ordinateurs fixes ou portables et sur les téléphones. Ce logiciel filtre intelligemment le web : vous pourrez continuer de lire le topo Aimer en vérité de l’abbé Grosjean mais pas visionner le film Tempête sous les draps !

Arrêter, et s’en donner vraiment les moyens

Pour les accros, il y aurait une incohérence totale à vouloir s’en sortir et ne pas prendre les moyens qu’il faut. Le site « stop porn » présente les enjeux et les moyens. Comme dans toute conversion, le chemin est difficile mais pas impossible. Les sacrements de l’eucharistie et de la confession sont indispensables. Il faut d’abord se reconnaître porno-dépendant. C’est un choc, mais un choc salutaire. Commence alors le processus de sevrage, en plusieurs temps.

Étape 1 : prendre la ferme décision d’arrêter. C’est la clé pour toute addiction, la drogue comme le porno. Elle doit être prise fermement et renouvelée après chaque rechute. Elle est impérative, absolue, jamais remise en question.

Étape 2 : en parler à un « parrain », ailleurs qu’au confessionnal. Parfois, cette seule étape suffit. Il faut lever la chape de plomb du silence, de la honte et de l’esclavage. Se dire qu’existe un ami, un aîné qui nous écoutera et voudra bien nous aider sans nous juger (ou alors ce n’est pas un ami). Dans cet esprit, le programme « covenant eyes » propose l’envoi périodique d’un relevé de toutes les connexions à un tiers, qui peut ainsi contrôler ce qu’on regarde. Un prêtre peut remplir ce rôle mais, il faut le répéter, le problème n’est plus seulement spirituel car la conscience s’est obscurcie.

Étape 3 : arrêter toutes les images, tout le temps. Mettre en place les barrières techniques citées plus haut y compris sur son smartphone. Un code d’installation est nécessaire : il va de soi qu’il faut demander à un parrain de le taper… Installer le logiciel « adblockplus » est un complément salutaire : il bloque les publicités intempestives, comme cette jeune femme en bikini qui persiste à montrer ses formes généreuses alors que vous voulez juste acheter un billet d’avion.

Étape 4 : si besoin, consulter un spécialiste qui aura un langage vrai et non culpabilisant. À Paris, le cabinet Saint-Paul est tout indiqué. Des programmes de sevrage ont également été mis en place par des évangélistes américains. Si vous avez du temps, c’est biblique et ressourçant : une vraie retraite en ligne. La communauté de l’Emmanuel prépare également un parcours qui sera vraisemblablement prêt à l’été 2015.

Tout au long de ce combat, car c’en est un, gardez courage ! Dans n’importe quelle période de sevrage, il y a d’inévitables rechutes. Celles-ci ne prédisent pas qu’on ne s’en sortira jamais : on peut perdre une bataille et gagner la guerre. Mais la rechute a un autre effet, encore plus destructeur : celui de faire sauter toutes les digues et de s’enfoncer encore plus dans la boue (« puisque je suis tombé,… »). On perd alors tout le bénéfice du progrès déjà effectué. Or, une rechute n’est pas un départ à zéro. Ce qui dépend de nous, c’est l’effort, l’envie de nous relever le plus vite possible. Le résultat seul dépend de Dieu. Il connaît nos complicités et nos lâchetés. N’est-il pas venu pour les faibles et les malades ? Il saura juger les cœurs mais attend aussi de nous une résistance intérieure contre un nouveau totalitarisme qui faisait dire à Alexandre Soljenitsyne : « on asservit les peuples plus facilement avec la pornographie que par des miradors ».

Source : Padre Blog