Cahier des charges du nouveau sanctuaire
Rappel historique
L’église saint Martin a connu une longue histoire et porte la marque de deux grandes époques, le XIIIe et le XVIe siècles. C’est pourquoi, elle semble faite de plusieurs parties qui ne sont pas dans le même axe.
Au début du XIIIe siècle en effet, vers 1240, fut construite une église de trente mètres de long, qui comprenait la nef actuelle, un chœur, un transept et un chevet plat qui s’arrêtait à peu près au niveau de la rue Galande. Il comprenait aussi les deux bas-côtés que l’on voit encore aujourd’hui.
Vers la fin du XIIIe siècle, la voûte de la nef, prévue un peu trop haute (17,10 m, hauteur que l’on retrouve encore au croisillon Sud), s’écroula et fut reconstruite plus basse (14,55 m), telle qu’on peut la voir encore aujourd’hui. Au XVe siècle on ajouta à l’église un second bas-côté sud, on dut pour cela abattre les anciens murs du XIIIe siècle. Le porche situé sur le côté de la première travée de l’église, fait partie de la même époque. Au XVIe siècle, l’église fut jugée trop petite et pour l’agrandir, on construisit d’abord un nouveau chœur. Comme l’église du XIIIe menaçait ruine, il fut projeté de la démolir. C’est pourquoi, lors de la construction du chœur on ne s’est pas aligné sur l’ancienne nef, on a construit un chœur plus large. Comme en bordure de l’église se trouvait le chemin royal (le seul vraiment praticable à cette époque), qui allait de la Seine jusqu’à Cheverchemont et les hauteurs de l’Hautil, on a simplement construit par-dessus cette route. Ce qui vaut à l’église de Triel cette très grande originalité de voir une route passer sous l’église.
Lorsque le chœur fut construit, se posa le problème de la démolition de l’ancienne nef. On ne sait pas exactement pourquoi (faute d’argent, ou hésitation à démolir un si bel édifice), mais les architectes ont renoncé à la démolition. Ils ont simplement construit un mur en biais pour raccorder le chœur et la nef, sur laquelle ils ont posé un étrésillon transversal provisoire ! Après la révolution, l’église donnait bien des signes de fatigue. De gros étrésillons de bois traversaient la nef pour soutenir la poussée des murs, à l’extérieur il y avait des échaffaudages, le porche royal était encore à ciel ouvert en 1965… Bref, l’église était plus ou moins promise à la démolition.
Elle fut classée monument historique en 1850, mais rayée en 1887 parce que condamnée à la ruine. Une notice de 1881, signée Eugène Lefèvre-Pontalis dit ceci : « Il est très regrettable que la restauration de l’église n’ait pas encore été entreprise. Comme la nef, les bas-côtés et le transept menacent ruine, il faudra tôt ou tard se décider à les démolir en grande partie pour les relever sur le même plan ! »
Heureusement, même en ce mauvais état, l’église a tenu bon jusqu’à ce que les techniques modernes puissent lui venir en aide. Elle fut reclassée en 1894. Sous la direction des Beaux-Arts, une première restauration a été effectuée de 1911 à 1915 concernant la partie du XIIIe siècle. On dut élever des murs de soutènement sous les gros arcs et les doubleaux de la nef, afin de tenir toute la voûte en l’air et de reprendre les colonnes par les fondations qui étaient inexistantes. Au décintrage qui eut lieu en 1913 le tassement fut insignifiant. La seconde grande restauration a été commencée en 1934, on a refait la même chose pour toute la partie du croisillon Sud, celui de l’horloge. Là encore on a repris les fondations qui étaient très faibles.
La touche finale, pour la nef, fut donnée le 25 décembre 1976, sous l’impulsion du maire de Triel, Louis Champeix. On a réussi à introduire du ciment et du béton à l’intérieur des gros piliers centraux, pour les renforcer ; et à la suite de cela on put enfin retirer les trois gros étrésillons qui défiguraient la nef et retrouver ce magnifique vaisseau tel qu’il avait été construit au XIIIe siècle, et tel que nous le voyons aujourd’hui. A partir de cette dernière restauration ont eu lieu plusieurs autres interventions qui ne relevaient pas du domaine structurel mais d’entretien.
Genèse de l’opération sanctuaire
Ainsi, à cause de son plan irrégulier, l’église a été l’objet de plusieurs aménagements liturgiques depuis la réforme liturgique. Le dernier en date a été réalisé en 2008, par le précédent curé, le père Sylvano BELLOMO. Celui-ci a consisté à déplacer l’autel situé auparavant dans le chœur du XVIème siècle et de le placer entre les piliers qui soutiennent le clocher, à l’endroit actuel. Ce projet avait été mené dans une perspective de rassemblement de la communauté et avait fait l’objet de conseils du père Jean-Pierre ALLOUCHERY : « Vous pouvez construire une estrade en bois recouverte d’une moquette de deux marches sous le clocher entre les piliers en haut de la nef. Prévoir un autel cubique comme à Louveciennes et un pupitre d’ambon. Le siège du célébrant peut exceptionnellement se placer en arrière de l’autel dans l’axe. Sur le premier palier, des choristes peuvent prendre place mais pas en surplomb de l’autel. Ils sont visibles de l’organiste. (…) La compréhension des aménagements antérieurs dans ce lieu doit vous permettre d’habiter au mieux cette église, celle d’une vivante assemblée eucharistique et dans une certaine cohérence, donner du sens à ce patrimoine » (extrait de la lettre envoyé par le père ALLOUCHERY au père BELLOMO).
Opération sanctuaire
La paroisse Saint-Martin de TRIEL / SEINE souhaite, sous la direction de son curé, le père Matthieu BERGER, rénover l’actuel chœur, dans le prolongement de son réaménagement commencé par le précédent curé, le père Sylvano BELLOMO.
Ce projet est piloté par les instances suivantes :
- Responsabilité (Maîtrise d’Ouvrage) : le père Berger (initiateur du projet), assisté du CPAE et d’un paroissien en ce qui concerne l’opérationnel
- Réalisation (Maîtrise d’œuvre) : un architecte DPLG, Pierre-Emmanuel Bathie (ancien paroissien) qui organisera le chantier et les intervenants
Les étapes clés sont :
- Établissement du cahier des charges (ce présent document, destiné à exposer les motifs et attendus de ce projet) ; réalisée
- Établissement d’une première proposition, en étroit contact avec la Commission d’art sacré du diocèse (père Allouchery et son équipe) ; en passe d’être franchie
- Information des paroissiens (présentation du cahier des charges et présentation d’une maquette du projet) ; prévue après Pâques
- Suite à accord, information de la municipalité et des Monuments de France (propriétaire et responsable de l’église)
- Lancement du chantier (3ème ou 4ème trimestre 2015)
Limites et atouts de la situation actuelle
Actuellement, le chœur est constitué d’une estrade en contreplaqué, surélevée de deux marches, de bonne facture mais qui présente plusieurs points de faiblesse (affaissements) et n’est pas vraiment en accord avec le style architectural de l’église ; des tapis habillent l’estrade, ce qui ne donne pas un aspect cohérent avec l’ensemble (arabesque des motifs jurant avec la simplicité de l’ensemble).
Ce chœur, qu’on peut prénommer désormais « sanctuaire », est situé à la croisée de la nef gothique du XIII° siècle et des transepts correspondants, c’est-à-dire au milieu des quatre grosses piles supportant le clocher ; il réclame des améliorations pour qu’il s’y insère vraiment.
L’ensemble, constitué de meubles amovibles (ambon, autel, fauteuil du célébrant) manque d’homogénéité et est facilement déplaçable. En revanche, la taille de l’autel et son emplacement actuels sont idéaux car il est visible du plus grand nombre de personnes présentes dans la nef. Il en est de même pour l’ambon. Ainsi, le positionnement actuel donne une bonne visibilité, offre plus de commodité d’organisation des célébrations que l’ancien dispositif dans le chœur du XVI° siècle. Il n’est pas remis en cause.
La circulation interne y est difficile, notamment celle des servants d’autel et celle des ministres non consacrés qui doivent rentrer dans le chœur à différents moments de la liturgie (communion, proclamation de la Parole, chantre). De plus, lors des célébrations rassemblant de nombreux servants et/ou prêtres, il est impossible de faire tenir tout le monde dans le chœur. La circulation en périphérie du chœur y est également compliquée : procession de communion (gestion des flux non optimisée), parcours vers le tabernacle (rendu difficile par l’emmarchement)
Le sanctuaire est entouré par les fidèles : une grande partie de l’assemblée se trouve dans la nef et sur les bas-côtés, donc devant l’autel, mais, lors des grandes affluences, de nombreux fidèles se trouvent également derrière (ancien chœur) et sur les côtés.
Certaines cérémonies sont gênées par l’implantation actuelle ; par exemple, le cercueil du défunt ne peut pas être placé à l’entrée du chœur ; on est contraint de le poser entre les premiers rangs des fidèles.
Objectifs
Le nouvel ensemble devra être de bonne facture, en matériau noble, tout en étant démontable (exigence Monuments de France). Les lignes générales pourront s’inspirer du style élancé du gothique de l’église, invitant à lever les yeux (et à l’élévation de l’âme). Donc le dessin du nouveau sanctuaire devra tenir compte de son implantation.
Il ne réclamera pas d’autres éléments de décoration tels que tapis, moquette … (exceptés les fleurs et candélabre) et donc avoir suffisamment de caractère pour être le point central de l’église.
L’ambon, l’autel et le fauteuil de présidence seront totalement intégrés, interdisant leur déplacement. Ils seront construits dans le même élan que celui qui inspire l’estrade. Celle-ci sera d’une hauteur suffisante pour rendre la célébration visible depuis le fond de la nef. Leurs dimensions reprendront celles actuelles. Les emplacements des autres meubles (crédence, sièges servants) seront conservés.
La circulation des fidèles pendant la communion, des servants d’autel, des servantes de l’assemblée, du célébrant lui-même (encensement de l’autel), et les processions des lecteurs et du chantre sera la plus fluide possible. L’étude du nouveau sanctuaire portera une attention particulière aux déplacements. Le ou les concélébrant(s) éventuel(s) doivent avoir suffisamment de place. Il sera prévu un nombre suffisant de places assises dans le sanctuaire pour les prêtres et les servants lors de circonstances exceptionnelles.
Durant les obsèques, le cercueil devra pouvoir être posé en s’engageant dans le sanctuaire, au plus près de l’autel.
Contraintes
- L’église est classée : il nous est donc interdit de fixer à demeure dans le sol ; la structure sera démontable en cas de nécessité (exceptionnelle), ne laissant aucune trace dans la maçonnerie.
- Pas de réfection de la chape de béton ; prévoir un traitement qui adoucisse l’affrontement entre le béton brut inesthétique du sol de l’église et le matériau noble constituant le sanctuaire.
- Limitation budgétaire : 40 000€. Le CPAE se charge des ressources (paroisse, diocèse)
- Facilité d’entretien, bonne tenue à l’usage : pas de matériau flatteur à l’état neuf puis grisaillant à l’usage, ni de recoins difficiles à atteindre qui, s’encrassant, finiront pas enlaidir peu à peu l’ensemble.
- Intégration des prises de courant, des prises microphones.
Références
L’aménagement liturgique projeté tient compte de références suivantes, issues de la Présentation Générale du Missel Romain (PGMR) de 2008 :
- Le sanctuaire est le lieu où se dresse l’autel, où est proclamée la parole de Dieu, où le prêtre, le diacre et les autres ministres exercent leurs fonctions. Il convient qu’il se distingue du reste de l´église soit par une certaine élévation, soit par une structure et une ornementation particulières. Il doit être assez vaste pour que la célébration de l’Eucharistie puisse être accomplie et vue facilement.
L’autel et son ornementation
- L´autel, où le sacrifice de la croix est rendu présent sous les signes sacramentels, est aussi la table du Seigneur à laquelle, dans la messe, le peuple de Dieu est invité à participer; il est aussi le centre de l´action de grâce qui s´accomplit pleinement par l´Eucharistie.
- Il convient que dans toutes les églises il y ait un autel fixe, qui signifie, de manière claire permanente le Christ Jésus, Pierre vivante (1P 2,4 ; cf. Ep 2,20)
- On lui donnera l´emplacement qui en fera le centre où converge spontanément l´attention de toute l´assemblée des fidèles.
- Il est opportun de garder l´usage de déposer sous l´autel à dédicacer des reliques de saints, même non martyrs.
- De même, sur l´autel ou à proximité, il y aura une croix, bien visible pour l´assemblée, et portant l’effigie du Christ crucifié. Il convient que cette croix demeure près de l’autel même en dehors des célébrations liturgiques, pour rappeler aux fidèles la passion rédemptrice du Seigneur.
Ambon
- La dignité de la Parole de Dieu requiert qu’il y ait dans l´église un lieu adapté à sa proclamation et vers lequel, pendant la liturgie de la Parole, se tourne spontanément l´attention des fidèles.
Siège de présidence
- Le siège du prêtre célébrant doit être le signe de la fonction de celui qui préside l´assemblée et dirige sa prière. Par conséquent, il sera bien placé s´il est tourné vers le peuple, et situé dans l’axe du sanctuaire, à moins que la structure de l´édifice ou d´autres circonstances ne s´y opposent, par exemple si la trop grande distance rend difficile la communication entre le prêtre et l´assemblée des fidèles, ou si le tabernacle se trouve derrière l’autel, au milieu.