Ne nous trompons pas de cible

attentat-13-novembre

Nous sommes dans la tristesse devant ces drames, devant cet acte terroriste sans précédent dans notre pays, un nombre impressionnant de morts, un nombre tout aussi impressionnant de blessés graves.

Nous sommes sous le choc, abasourdis, nous n’arrivions pas à éteindre la radio vendredi soir… Des sentiments de colère naissent alors dans nos cœurs, mêlés à ceux de compassion pour les victimes. Au même moment que se déroule l’assaut vendredi soir à minuit vingt-six, le Saint sacrement est exposé sur notre paroisse dans la crypte. La blancheur du Christ loin du sang des victimes ; la douceur de sa présence face à l’extrême brutalité des armes. La paix qui nous envahit face à la haine qui fait tuer. Alors ce paradoxe est limite insoutenable jusqu’au point de pouvoir nous faire hurler intérieurement en quittant aussi vite le moment de contemplation pour vouloir aller agir, aider, proposer de l’aide…

Notre aide justement, elle se situe ici, là, devant le saint sacrement. Il est le lieu de notre mission, à nous chrétiens. Ce qui fait notre force de croire, c’est la prière ! Et cela quelqu’un l’avait bien compris samedi matin : « c’est horrible mon père, il n’y a qu’une seule chose à faire, je vais prier ».

Ce qui fait notre force de croire, c’est la prière. Ce qui fait notre force d’espérer c’est cette confiance que notre foi nous donne dans une réalité autre que la fatalité. Toutes ces horreurs que nous vivons n’effaceront jamais la surabondance de l’Amour de Dieu pour ses hommes et ne pourront jamais avoir le dernier mot sur la victoire définitive du Christ. Nous chrétiens, nous avons dans notre Bible, cette histoire de Dieu avec les hommes (qui est aussi histoire de l’homme avec Dieu), qui est un témoignage que la toute puissance d’amour de notre Père créateur terrasse le désir pervers que l’homme peut avoir dans son cœur. Ce témoignage biblique nous donne une certitude de foi que les forces du mal qui se déchainent en ce moment seront terrassées, définitivement, un jour, une fois pour toute, par la victoire de Jésus sur la croix. Cette victoire n’est pas qu’en Dieu, elle est aussi en l’homme (car Dieu est présent en l’homme, dans son cœur et dans sa création) ; cette victoire n’a plus besoin que de nous pour se révéler dans le monde et s’exprimer dans les réalités de la vie quotidienne. Face à l’horreur, face au déchainement de violence, Dieu n’a jamais quitté ses créatures bien aimées. Il était présent à Paris, il était présent au stade de France, car il vient nous chercher au cœur même de cette violence pour tenter de nous en extraire. Il est présent dès lors que l’humain est présent, et il a entraîné l’homme dans un sursaut de courage et de charité chez tous ceux qui ont dépassé la peur et l’angoisse de la violence en se mettant au service des victimes. De cette terreur, Dieu surgit pour nous rappeler que ce qui fait notre force et dignité humaine dépassera toujours ce qui en fait son anéantissement et son malheur. Même du pire déchainement de haine, Dieu peut soustraire l’homme. Parce que ce que nous avons une force de croire : c’est toujours la prière. Ce qui fait notre force d’espérer c’est notre confiance en ce Dieu qui nous recrée en permanence.

Alors frères et sœurs, ne nous trompons pas de cible ; les terroristes eux connaissent bien leur cible. Nous chrétiens, ne nous trompons pas de cible ; ce que nous voulons anéantir, c’est la haine, c’est la violence, c’est le refus de la différence. Ce que nous voulons anéantir, ce n’est pas l’autre, alors ne laissons pas entrer en nous des sentiments qui pourraient nous conduire au refus de l’autre.

Ce que nous voulons anéantir ce n’est pas la différence (de culture, d’origine, de religion), c’est le refus de cette différence que nous voulons anéantir ; alors ne nous laissons pas submerger par des sentiments identiques à ceux de nos bourreaux. Ce que nous voulons anéantir, ce n’est pas l’être humain, c’est la maladie du cœur de l’être humain que nous voulons anéantir, alors ne nous laissons pas non plus envahir par la même gangrène dont ces terroristes étaient atteints.

Ne nous trompons pas de cible… La cible de notre prière, c’est la haine et la vengeance.

Ce n’est pas un signe de faiblesse, mais tout au contraire, c’est un signe de grandeur, celle de Jésus. La dimension de l’avenir de notre société nous est rappelée dans  les textes d’aujourd’hui, ces textes apocalyptiques, c’est-à-dire des textes qui nous révèlent ce que nous vivons en nous en donnant le sens. Et bien cela tombe bien, laissons nous enseigner par ces textes pour comprendre le sens des évènements que nous vivons. Notre histoire n’est pas que la simple répétition cyclique des mêmes drames, mais elle est une trajectoire, elle est une marche vers une fin, et cette fin c’est la victoire de la lumière sur nos ténèbres ! « Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire », nous dit l’évangile. Cette fin est l’accomplissement de la mission de Jésus, en d’autres termes, c’est la victoire de l’humain sur l’inhumain, c’est la victoire de l’amour sur ces actes odieux de vendredi soir. C’est la réalisation de l’homme de manière plénière, c’est la victoire de Dieu sur notre mal.

C’est celle-là notre espérance de chrétien qui est notre optimisme ; notre optimisme n’est surtout pas de faire grandir la haine en refusant telle ou telle catégorie d’être humains près de chez nous, non, notre optimisme de chrétiens, qui est de foi, c’est une espérance en la bonté de l’homme alors même que nous sommes englués, immergés, au jours le jour, dans des affrontements meurtriers, que nous décrivent aussi ces textes de style apocalyptiques. Cet optimisme biblique concerne toute l’histoire de l’humanité, mais elle concerne aussi mon histoire personnelle qui elle aussi est parsemée de luttes contres les ténèbres ; elle concerne ces évènements que nous vivons. La première lutte que nous avons à mener frères et sœurs, est celle contre une tentation bien humaine qui serait de laisser grandir la haine dans nos cœurs et dans nos paroles (attention chers adultes aux paroles que vous prononces devant vos jeunes…). Ce qui fait notre force de croire, c’est notre prière. Alors prions, seul, en paroisse, en famille, prions pour la paix, nous devons y croire, nous venons de le dire, nous avons une responsabilité énorme. Tant de personnes ne croient pas, nous nous croyons, alors nous devons absolument prier, pour les victimes, et pour les bourreaux, parce que Jésus nous le demande. Demandons à Dieu la grâce d’avoir un cœur ferme et sans haine, demandons à Dieu la grâce d’être des artisans de paix.

Père Matthieu Berger +

Triel-sur-Seine, le 15 novembre 2015
Homélie  du 33e dimanche Temps ordinaire, année B,
(Dn 12,1-3 ; Ps 15(16) ; Hb 10, 11-14.18 ; Mc 13, 24-32)


Mail reçu cette nuit d’un ami syrien :

Bonjour de la Syrie

J’espère que  tous les responsables dans le monde prennent conscience du danger. Hélas ,nous vivons depuis cinq ans dans ce climat….‬, et se décident de lutter contre le terrorisme !‬

VIVE L’AMITIÉ  ET  UNISSONS-NOUS CONTRE LE MAL