Pause SPI « Reprendre le pouvoir sur nos usages numériques »

Lors de la Pause SPI(1) le samedi 11 février, nous nous sommes retrouvés nombreux pour écouter Olivier Viot, ancien Episcomontois (Evecquemont) nous parler de ce sujet, oh ! combien d’actualité. Evoquant tout d’abord une situation personnelle vécue à Bordeaux en 2016, Olivier Viot raconte le sentiment de totale panique et du vide qu’il a ressenti lorsque son téléphone portable est resté bloqué dix jours. Cet événement a été le déclic de la réflexion qu’il a menée depuis et de son activité professionnelle qui s’est orientée désormais vers ce qu’il appelle « l’Ecologie du soi »(2).

Qu’est ce qui se passe en nous ?

Serions-nous prêts à échanger quelques instants notre téléphone portable avec une autre personne ou à nous en passer quelque temps ? Nous ressentons une impression désagréable ; en effet, nous ne pouvons plus nous passer de notre « doudou numérique ».

A quoi cela tient-il ? A quatre piliers :

  1. le plaisir: même principe que pour tous les plaisirs, cela déclenche une libération de dopamine dite « hormone du bonheur » ; c’est un système de récompense nécessaire à l’être humain. On recherche l’imprédictibilité, l’excitation de ne pas savoir, la promesse du plaisir. Plus on en a, plus on en veut ! Nous sommes entre raison et pulsion. Il faut avoir conscience que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) qui ont des spécialistes, prennent le contrôle de nos cerveaux ;
  2. la sécurité : on en a un besoin naturel ; avec nous (votre téléphone et les GAFAM), vous serez en sécurité !
  3. le besoin de relations sociales : nous avons besoin de relations pour être aimés ; le problème c’est que les réseaux sociaux ne sont pas la vraie vie. Les autres ressorts sont la culpabilité et l’infantilisation ;
  4. le besoin d’exploration : tout être humain ressent le besoin d’aller au-delà des limites.

Par rapport à ces quatre piliers, nous avons en toile de fond la question du bonheur. Si on réfléchit, le problème n’est pas le téléphone portable et les écrans mais notre addiction, la notion de manque, d’où l’expression : « c’est la dose qui fait le poison ». Les inventeurs de ces technologies dans la Silicon Valley, conscients des dangers de leurs applications, ont créé une école pour leurs enfants, sans portable et sans écran. En effet, pour qu’un enfant se construise, il faut qu’il soit dans le monde réel.

Il est urgent d’agir car les dangers du numérique sont désormais scientifiquement prouvés ; plusieurs scientifiques nous alertent ; parmi eux Michel Desmurget(3) qui a écrit « La fabrique du crétin digital – Les dangers des écrans pour nos enfants » édition Seuil, nous dit : « Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle ».

Que devons-nous faire ?

Olivier Viot nous dit : « On déculpabilise et on élève son niveau de conscience. Prendre conscience du temps consacré aux outils numériques est la première étape puis vient le moment de se fixer des limites claires. Concrètement, on peut supprimer ses notifications sur son téléphone et ses réseaux sociaux. On peut choisir de vivre les meilleurs moments de notre vie dans le réel plutôt que dans le virtuel. On peut également rechercher à avoir une vie dans le réel qui a du sens. On peut aussi utiliser les outils numériques pour faire de belles choses, nous rendrons ainsi le monde meilleur. »

Après cette intervention très dense d’Olivier Viot, les adultes se sont séparés dans deux salles pour échanger sur ce thème. Dans les deux groupes, les échanges ont beaucoup tourné sur l’usage personnel de ces outils numériques et notre dépendance mais également sur le rôle éducatif des parents vis-à-vis de ces nouvelles technologies. Une des premières choses, c’est la prise de conscience de notre dépendance au numérique et notre capacité à élever notre niveau de conscience pour mieux contrôler leurs usages. Sur le rôle des parents, des témoignages de jeunes ont souligné combien ils les remerciaient de les avoir cadrés dans l’usage de ces outils numériques. Maintenant, ils reconnaissent qu’ils doivent parfois reprendre le contrôle pour ne pas se laisser envahir par le numérique et son monde virtuel. Ces témoignages ont beaucoup intéressé les parents présents qui ont exprimé leurs difficultés à trouver les bonnes attitudes éducatives à avoir vis-à-vis de leurs enfants. On revient à la notion principale qui est de fixer un cadre et de développer sa conscience et celle de ses enfants.

Yves Maretheu

extrait des Echos de Meulan n° 610

 

  • Pause SPI : soirées à thème, organisées par le groupement paroissial Meulan-Triel, tous les 2èmes samedis de chaque mois, à destination de tous : enfants, jeunes et adultes,
  • Site d’Olivier Viot : https://olivierviot.com/
  • Michel Desmurget est docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm.