Formation théologique : La Bible

Retrans­crip­tion de la forma­tion théo­lo­gique d’octobre 2016 – Père Matthieu Berger

La Bible


Note du rédac­teur : Cette retrans­crip­tion est le fruit d’une prise de note en séance. Certains passages sont parti­cu­liè­re­ment tech­niques et quelques coquilles ont pu se glis­ser dans ce docu­ment. Elles seront corri­gées au fil de l’eau. Veuillez m’en excu­ser par avance.

Avec 73 livres, la Bible est une vraie bibliothèque !  La Bible peut faire peur et est parfois incompréhensible mais elle a été écrite il y a deux mille ans. Il est important d’avoir quelques notions contextuelles, historiques et géographiques afin de la comprendre.

Dieu est l’auteur de la Bible

C’est vraiment la parole de Dieu. C’est une parole avant d’être un écrit, la religion catholique n’étant pas une religion du Livre, mais de la Parole. La Bible est le seul livre au monde dont la Parole est vivante : c’est Dieu qui nous parle et c’est une Parole avant d’être un écrit.

Elle vient de Dieu, mais la compréhension est humaine et inspirée. C’est pour ça qu’elle est compliquée : le rédacteur va écrire le texte avec sa relecture des évènements et sa compréhension de l’époque.

Dieu passe par l’homme : il y a l’intervention de l’homme. On imagine bien que cela s’est fait dans des lieux et sur une période d’à peu près mille ans (environ de -800 à 100/120 après Jésus Christ) par transmission orale et en recopiant les écrits existants.

À un moment, il a fallu décider ce qui était parole de Dieu et ce qui ne l’était pas. Pour voir ce qui est inspiré ou non, les premiers chrétiens ont réfléchi et ont prié. C’était des gens d’une vie de prière. C’est à peu près au IVe siècle que le canon a été défini par rapport à tout ce qui a été transcris par oral. Cette parole initiale a été définie comme étant celle de Dieu.Ce qui ne correspondait pas à une vie chrétienne, on voyait bien que ce n’était pas inspiré. Les évangiles apocryphes sont des textes qui ne sont justement pas inspirés par la Parole de Dieu.

Avec mille ans de révélation puis deux ou trois siècles de réflexion, notre foi chrétienne et le dogme ont été éprouvés par la vie des chrétiens.

Alors comment se fait-il qu’en 1850 on sorte le dogme de l’Immaculée Conception ? C’était en fait que les chrétiens vivaient déjà le dogme de l’Immaculée Conception depuis 1800 ans. La foi chrétienne a fait définir l’Immaculée Conception. L’Église a simplement dit : on voit qu’on le vit donc c’est vrai. De même pour l’Assomption. Cela s’appelle la tradition et c’est important.  La tradition, c’est tous les saints qui ont vécu cette parole de Dieu, cette foi et qui nous l’ont transmise. C’est l’être humain qui transmet la foi en la vivant, la travaillant, écrivant dessus…

La Bible est désormais un livre terminé : tout a été révélé. À la mort du dernier apôtre qui a connu le Christ, il n’y avait plus de révélation possible. Nous n’aurons jamais plus quelque chose de nouveau dans la Bible. Cette Parole là est définitive et Jésus est l’accomplissement de la Parole de Dieu.

Maintenant c’est à nous de savoir la lire, la comprendre. Chaque année, des milliers de bouquins d’explications sortent. L’être humain a compris dans la prière inspirée pendant quatre siècles que c’était ce livre-là et pas d’autres. C’est une Parole vivante : la Parole qui me parle à moi aujourd’hui elle me parlera à moi encore dans vingt ans avec mon évolution et mes nouvelles expériences et me dira autre chose.

Traductions

Initialement écrite en latin, hébreu (Ancien Testament), grec (Nouveau Testament) et araméen (langue de Jésus), la Bible a ensuite été traduite totalement en latin au quatrième siècle par saint Jérôme. Les traductions en français, espagnol, italien, … ne sont que du XVIIIe siècle !

On comprend bien que si un écrit est en latin, hébreu ou grec, lorsque l’on passe d’une langue à une autre, le traducteur doit faire des choix pour retranscrire les nuances. Par exemple, un mot hébreu peut donner entre vingt et trente mots français. Donc quand on traduit tout l’Ancien Testament en latin puis en français, on obtient nécessairement des traductions différentes. Et ce n’est pas grave : c’est toujours la Parole de Dieu.

Chaque Bible a ses nuances. Il y a plusieurs traductions, avec des objectifs différents. Certaines pour l’étude scientifique, d’autres proposées pour le grand public comme la Bible des peuples – qui est remarquable.

Pour découvrir la Bible, La Bible de Jérusalem est une bonne base. Elle est précise et fraîche.

La Bible des peuples est écrite par deux frères de Versailles. Ils ont voulu écrire une Bible lisible par le maximum de personnes possible. C’est l’une des traductions les plus vendues au monde. Elle est extraordinaire pour les notes d’explications qui sont fantastiques.

La Bible traduction liturgique est une traduction prévue pour être proclamée lors des messes.

Prenons par exemple le chapitre 21 de saint Jean et lisons le verset 15 au verset 17 compris :

15 Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. »  16 Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » 17 Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. »

À la fin du verset 17 :

  • la traduction sur le site de l’AELF est « Sois le berger de mes brebis »,
  • la traduction de la Bible des peuples est « Fais paître mes brebis »,
  • la traduction de la Bible de Jérusalem est « Paie mes agneaux »,
  • la traduction liturgique est « Soit le berger de mes agneaux ».

Chaque traduction qui a la même base a un objectif particulier. Notez aussi que l’on a trois fois la question de Jésus à Simon Pierre.

Pourquoi est-ce que Jésus pose cette question trois fois ?

  1. il a renié trois fois. C’est une explication simple et belle.
  2. Une explication plus complexe est qu’il est difficile de comprendre la nuance avec les mots en grecs.

En grec, le mot « aimer » se dit de trois manières :

  •  Le mot aimer se dit d’abord « eros »  dans le sens sensuel, plaisir, qui fait du bien. En français, on dit « j’aime le chocolat »aussi bien que « j’aime ma femme ». C’est bizarre ? Du coup, quand on parle d’amour aux jeunes, ils se marrent. On est alors obligé d’expliquer que c’est beau l’amour.
  • Ensuite il y a « phileo » qui est l’amour d’amitié. On voit bien que ce n’est pas la même chose que « eros ». On ne va pas dire « j’aime d’amitié mon chocolat ».
  • Et puis le troisième terme en grec, l’amour « agapao » : c’est le don de soi. On ne demande rien en retour.

En français, nous traduisons par un même mot trois termes qui ont des significations différentes et on voit bien le souci !

La première fois Jésus demande : « est-ce que tu m’aime « agapao » ». Et quand Pierre lui répond « mais Seigneur tu sais bien que je t’aime » il souffre et répond « phileo ». Il n’arrive pas à répondre « agapao ».  Jésus qui est bon veut aider Pierre et tente que Pierre dise « agapao » : il lui pose le même mot une deuxième fois : « Pierre est ce que tu m’aimes « agapao »». Et une deuxième fois, Pierre répond « phileo ». On sait bien que Pierre donnera sa vie, mais il ne peut pas dire « agapao ». Il n’est pas prêt. La troisième fois, c’est merveilleux ! la troisième question est « Pierre est ce que tu m’aimes « phileo » ». Jésus se met à son niveau et vient chercher Pierre. Pierre est peiné parce que Jésus ne lui demande plus « agapao » mais « phileo ».

La beauté de la question est là : Pierre est peiné parce qu’il n’a pas été capable de répondre « agapao ». On voit bien la richesse de ces mots de vocabulaire et la profondeur de la Bible.

Historiquement, le texte a été écrit en grec qui était la langue de la culture de l’époque. Il est peu probable que cela ait été prononcé ou écrit en araméen. Au-dessus de la croix de Jésus, le libellé est en grec, latin et hébreux. L’araméen n’est pas quelque chose de classique.

L’effort à faire c’est de ne pas vouloir chercher à savoir quel été le mot particulier et la langue utilisés par Jésus. Peut-être que Jésus n’a pas posé exactement comme cela les questions, mais Jean l’a retranscrit comme cela. Il a été inspiré par sa propre vie de foi et il dit probablement plus. C’est vraiment l’Esprit saint qui a voulu que la parole de Dieu soit transmise.

Son désir est de faire sortir Pierre de sa dynamique, de l’élever, de lui donner une mission. Jésus s’abaisse pour aller le chercher. C’est toute la vie de Jésus. C’est la kénose. C’est Dieu le Père qui descend et s’abaisse pour venir nous chercher à travers Jésus.

Faites l’expérience de lire les textes du dimanche avant le dimanche : c’est extraordinaire ! Sans que l’on s’en rende compte ils travaillent en nous. Vous en profitez cent fois mieux le dimanche et n’hésitez pas à ouvrir votre Bible pour mieux situer les passages.

La Bible n’a pas pour objectif de répondre à la question du « comment » !

Quand vous ouvrez la Bible, on est dans une démarche de répondre au pourquoi. C’est ce qui fait dire au gens que c’est « n’importe quoi », que « la Bible n’est pas un livre scientifique ». Il n’y a pas d’incompatibilité entre la foi et la science : c’est juste qu’on ne je cherche pas à répondre à la même question. La science répond au « comment ». La Bible répond au « pourquoi ».

Une fois le fils d’un monsieur que j’enterre m’interpelle : « Je ne crois pas !  Je suis scientifique ! » Je lui réponds : « Tiens c’est marrant moi je suis prêtre par ce que je suis scientifique ! » Au début de mes études de médecine, je me suis dit régulièrement qu’il n’est pas possible que Dieu n’existe pas. On enseigne partout qu’on ne peut pas croire en Dieu si l’on est scientifique mais ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas le même sujet : c’est la différence entre « le pourquoi » et « le comment ».

Bien évidement la Genèse ne s’est pas passe comme cela. C’est un poème. Ce sont des mythes. Quand on regarde la Genèse, les étapes de la création correspondent aux étapes que le monde a vécu sur des millions d’années. La Genèse est une poésie mais il ne faut surtout pas y croire au sens littéral.

Si l’on ouvre la Genèse, on voit que l’on a deux récits de la Création : 1) du chapitre 1 au chapitre 2 verset 4a puis 2) le deuxième chapitre de la Création ensuite. On voit que quand Dieu dit, Dieu fait. Il n’y a pas de distinction entre la Parole et l’Acte.

De la même manière, lorsque l’on lit le deuxième récit de la Création à partir du chapitre 2 – 4b, on comprend bien que ce n’est pas une lecture scientifique, c’est une poésie. Cela dit énormément de chose. Les textes de philosophie les plus anciens sont des poèmes. C’est un style littéraire qui veut nous dire quelque chose : il y a un message que le seigneur veut nous donner.

Si l’on continue le deuxième récit de Création, Dieu plante un jardin, met l’homme au milieu, puis nouveau récit de Création de la femme. Comment peut-on y croire ? Évidemment que ce n’est pas possible. C’est intéressant de voir que Dieu crée l’animal, créé l’homme mais voit bien que ça ne convient pas et qu’il faut autre chose. On voit donc bien que l’homme n’est pas un animal. Dieu crée l’être humain et non pas l’homme mâle.

Une fois qu’il crée l’être humain, il crée la femme. Il n’y avait pas d’homme avant, il y avait un être humain. Il prend la côte et l’être humain devient homme puis il distingue l’homme de la femme. Ce récit nous apprend aussi qu’un homme et une femme ne peuvent jamais se posséder complètement. Il y a toujours quelque chose à chercher et à atteindre chez l’autre. C’est pour cela que l’homme et la femme peuvent rester ensemble soixante-dix ans et c’est très beau. À un enfant qui demande « pourquoi Dieu m’a-t-il créé ? », une belle réponse à lui faire est « parce qu’il t’aime ».

Aujourd’hui la théorie de l’évolution est reconnue par la communauté scientifique. L’Église le reconnaît aussi : le pape saint Jean-Paul II a publié dessus et le pape François l’a rappelé récemment :

« Le Big Bang, que nous pensons être à l’origine du monde, n’annule pas l’intervention d’un créateur divin. L’évolution dans la nature n’est pas contradictoire avec la notion de création car l’évolution nécessite la création d’êtres qui évoluent. »

L’Église est tout à fait d’accord sur la théorie de l’évolution : elle rappelle que c’est un prêtre, l’abbé Lemaitre, qui a proposé la théorie du Big Bang. Il faut savoir qu’il y a une académie à Rome au Vatican qui concentre les plus grands chercheurs régulièrement sur le plus grand point de recherche : c’est l’Académie pontificale des sciences.

Au final, il n’y avait évidemment ni pomme, ni serpent : c’est la tradition. Le Seigneur nous donne la possible de tout disposer. Dieux veux proposer notre liberté. On devient libre en choisissant. C’est un exemple de ce que l’on peut trouver dans la parole de Dieu.

Lisez attentivement le passage de la Genèse quand le serpent va venir tenter : il va dire Dieu « a dit »  a l’inverse de manière très subtile. Il introduit le doute. D’où vient le péché ? C’est cela le péché : c’est le doute entre Dieu et l’Homme. J’adore le chapitre 3 : pourquoi as-tu fait ça ? Ce n’est pas moi, c’est la femme ! La femme : Ce n’est pas moi c’est le serpent ! Au final, n’est-ce pas notre quotidien ?

On dit souvent que l’Ancien Testament est violent. Pourquoi ? Dieu n’était-il pas un Dieu d’amour ?

Parce que justement ce qu’a retranscrit celui qui a écrit, il a retranscrit comment Dieu se révèle dans la vie de l’homme. C’est une relecture des événements et de l’histoire. Dieu vient se révéler et nous chercher dans la violence du cœur de l’homme pour nous en extraire. Il ne faut jamais avoir une lecture littérale de la Bible, c’est catastrophique !