Journée de détente à Rouen

« Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel… » nous dit Qohélet (ou Ecclésiaste chap. 3 verset 1 attribué à Salomon). L’Association Paroissiale de Juziers l’a bien compris qui, chaque année, s’offre une journée de « détente et culture » faisant un break dans ses divers engagements : journées du patrimoine, repas de solidarité, brocante au profit de la restauration de l’église, sans oublier la valse des balais pour l’entretenir.

Rouen avait été choisie à l’unanimité ainsi que la date, 29 septembre, fête de saint Michel mais l’explosion à l’usine Lubrizol en a décidé autrement, retardant d’un mois le projet et réduisant l’effectif. C’est une petite douzaine de participants qui a, finalement, découvert les rues si pittoresques du vieux Rouen depuis le moderne petit train de ville, passant sous le Gros horloge, contournant la place du Vieux Marché où fut brûlée Jeanne d’Arc, admirant le Palais de Justice du XVème siècle remanié au XIXème siècle, et ravagé en aout 1944 ; tous ont pu admirer, à l’abri de la pluie sinon du froid, ce quartier si pittoresque avec ses maisons à pans de bois et ses monuments témoins de la richesse de la capitale de la Haute Normandie.

Le temps étant venu de reprendre force et chaleur, chacun a apprécié la salle paroissiale mise à disposition, moyennant une modeste participation. L’apéritif offert par le président et les repas tirés du sac ont redonné du tonus pour la visite fort bien commentée de l’immense et somptueuse cathédrale qui, on peut le dire, en a vu de toutes les couleurs depuis sa construction au XIIème siècle ; elle dut déjà être reconstruite au XIIIe après l’incendie de 1200 et sera embellie au XVème puis au XVIème siècle qui lui donna son aspect définitif. Le XIXème devra résoudre une fois encore le délicat problème de la flèche ; elle sera en fonte en remplacement de celle en bois et plomb victime de l’orage du 25 septembre 1822 ; elle culmine à 151 m ! La dernière Guerre n’a pas épargné Rouen ; neuf bombes tomberont sur sa cathédrale qui devient durant trente ans un vaste chantier de restauration ; elle ne fut rouverte que le 18 juin 1956. Avant de pénétrer dans l’édifice, on a tout loisir d’admirer sa riche façade flamboyante, véritable dentelle de pierre et ses tours saint Romain et de Beurre ainsi que les portails saint Jean et saint Etienne du XIIème siècle.

La richesse de son décor sculpté contraste avec la sobriété de la nef qui s’élève sur quatre niveaux : arcatures, tribunes (qui n’ont pas été construites sur les bas-côtés), triforium et fenêtres hautes et, dominant la croisée du transept, la tour lanterne culminant à 51 m du sol. Les vitraux du chœur comme ceux du déambulatoire sont remarquables, mais la « cerise sur le gâteau » est incontestablement la chapelle de la Vierge qui fut agrandie au XIVème siècle pour abriter les sépultures des évêques. Emerveillement devant tout ce qu’elle contient, le retable en bois doré du XVIIème portant un ravissant tableau de Philippe de Champaigne « l’Adoration des bergers ». Somptueux témoignage de la première Renaissance (1515-1525) et le mausolée en marbre des cardinaux d’Amboise : Georges I, ministre de Louis XII et archevêque de Rouen et son neveu Georges II ; vêtus de leur « capa magna », ils sont représentés agenouillés l’un derrière l’autre tandis qu’au soubassement, les vertus ne sont pas oubliées, certes de taille plus modeste !

D’une tout autre facture et témoin de la seconde Renaissance (1535-1544) est la tombe de Louis de Brézé, sénéchal de Normandie et mari de Diane de Poitiers. Le mausolée comprend, à la base le cadavre du défunt avec, de part et d’autre, la Vierge debout et la veuve éplorée. A la partie supérieure Louis de Brézé chevauche fièrement son destrier. La chapelle de la Vierge est un somptueux témoin de la Renaissance française que nous quittons à regret ; mais il est un temps pour chaque chose et celui du retour a sonné avec le souhait de la prochaine saint Michel pour une journée « détente et culture » ouverte à tous.

 

Ghislaine Denisot